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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 21 mars 2024, jour sécuritaire...

Denis Vallier
(Dessin de Mojtaba Heidarpanah)

(Dessin de Mojtaba Heidarpanah)

J’ai longtemps vécu à l’étranger et lorsque j’en revenais, il m’arrivait de marcher paisiblement dans nos forêts aseptisées ou bien de déambuler en pleine nuit dans des rues peu éclairées en rentrant du cinéma… Il ne m’est jamais venu à l’esprit que je puisse y courir le moindre danger ni qu’il puisse en être autrement. D’un coup, la vie se faisait bien moins intense que dans ma brousse africaine. J’admets que mon gabarit et la pratique des sports de combat y étaient peut-être pour quelque chose (- c’était de me croiser qui pouvait inquiéter), mais malgré tout, cette tranquillité me surprenait. Hegel nous a expliqué que "l’habitude d’être en sécurité est devenue pour nous une seconde nature et l’on ne se rend pas compte que cette sécurité est le résultat d’institutions particulières." Il a sans doute raison.

Je suis sûr qu’un journaliste de guerre de retour d’Ukraine doit éprouver cette même impression. Ce sentiment de sécurité devient rapidement plus qu’une habitude, un véritable conditionnement : il était instantané dès que je reposais les pieds sur le sol français comme si j’avais activé un interrupteur. Après m’en être éloigné, je retrouvais effectivement une sécurité garantie par un tas d’institutions, un ensemble d’appareils juridiques, politiques et policiers qui participaient à les faire respecter (- même si avec les lettres du mot police, on peut écrire picole). Cette sensation s’estompait assez vite car il me fallait peu de temps pour réaliser que tout ce fatras est également très illusoire et superficiel puisqu’en reprenant le volant, j’aurais très bien pu avoir un accident au premier carrefour venu avant de me réhabituer à notre circulation intense ou, en cherchant vraiment les ennuis, me prendre la balle perdue d’un règlement de compte marseillais.

Certains partis politiques (- comme particulièrement, le RN pour ne pas le nommer) font de notre sécurité leur fonds de commerce. Ils veulent nous faire accepter pour vérité que la Sécurité avec un grand S, est la première condition pour pouvoir circuler librement, pour vivre ensemble en paix, pour que le commerce et la politique puisse fonctionner, et ils accusent les immigrés de nous en empêcher… Il est simple et facile d’effrayer, mais apparemment, ça paye car la sécurité a un prix : celui de notre liberté et quand on se retrouve en situation de monopole pour la garantir, on fait payer le prix que l’on veut. N’est-ce pas un moyen de contrôler les individus ? N’est-ce pas en même temps qu’une illusion, une perte, un appauvrissement de la vie ? Et puis, quelle est la limite entre sécurité et sécuritarisme ? Finalement, quand elle devient ostensiblement brandie, la sécurité n’est-elle pas bien plus dangereuse que les lions et les buffles ?

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