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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 19 mars 2024, jour à l'abri...

Denis Vallier

La fin des contes de fées à l’eau de rose dont on nous bassine pour nous anesthésier me laisse perplexe : "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants…"… ça tombe comme une ponctuation, mais c’est très bizarre quand on y pense… Est-ce que ce sont des lapins tous ces rois et ces reines ? Ils font l’amour et la foule pousse des hourras quand les princesses tombent enceintes : les sujets royaux sont satisfaits comme les paysans dont les vaches attendent un veau ! D’abord, comment le sait-on qu’ils vécurent heureux ? Qui vous dit qu’ils ne sont jamais malades ces princes et ces princesses ? Les enfants de Barbie et Kent sont-ils des anges ? Et pourquoi l’histoire s’arrêterait-elle là ? N’y a-t-il rien d’intéressant dans le bonheur au point qu’on ne trouve plus rien à dire lorsqu’on est heureux ? Ce n’est guère plausible tout ça mais malgré tout Gala et Paris-Match ont toujours autant de succès et Stéphane Bern est toujours aussi écouté.

A contrario, par une phrase célèbre face à la mer agitée, Lucrèce bien plus réaliste et à l’abri, vente le fait que tout drame, même le pire, est un spectacle et qu’il y a quelques chose de rassurant à s’en savoir épargné. Ça c’est du vécu vérifiable ! Ainsi, ce que vous trouverez d’authentique dans une vidéo de tsunami submergeant inexorablement une ville japonaise, c’est que celui qui jusque-là filmait avec avidité le malheur d’autrui à bonne distance, commence à avoir des doutes sur sa propre sécurité. Il se met alors à courir à toutes jambes pour sauver sa peau en grimpant le plus haut possible comme un singe, afin de se mettre à l’abri…

On le comprend : qui ne ferait de même puisqu’il se retrouve directement concerné par ce qu’il est en train de filmer ? Au fond, la question de la sécurité et du fameux principe qui en découle, doit être perçue comme ce basculement de situation quand la vie et ses malheurs, de spectacle à distance, vire à l’épreuve même de l’insécurité palpable et effective. Ainsi, on n’est jamais totalement à l’abri d’une guerre qui gronde à l’horizon ou d’une idée loufoque d’un grand malade au pouvoir. Mais quand on resitue la phrase de Lucrèce dans son contexte, la sécurité n’est pas la sécurité telle qu’on l’entend au sens politique, ni même celle plus proche des corps, mais celle d’un idéal métaphysique qui vous situe dans une paix de l’âme. Ce qu’il dit est une métaphore et concerne l’existence toute entière : le sage est celui qui parvient, quand bien même il se sent concerné, à se sentir en sécurité dans un monde dangereux où les livreurs de pizzas ou de shit sont bien plus rapides que la police. Il nous conseille de rester sur la rive, de ne pas braver les flots immaîtrisables, cette force qui nous dépasse, quand la tempête est effective et quelques-uns feraient bien de s’en souvenir.

(Photo d'Alex Vision)

(Photo d'Alex Vision)

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