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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 20 mars 2024, jour de stupeur et tremblements...

Denis Vallier
(Peinture de Caspar David Friedrich - Le voyageur contemplant une mer de nuage)

(Peinture de Caspar David Friedrich - Le voyageur contemplant une mer de nuage)

En plein siècle des Lumières, les poètes s’imaginaient que la liberté frappait enfin à la porte de l’Histoire et ils tracèrent à la plume des vers luisants… et puis, le 1er novembre 1755, un tremblement de terre ravagea Lisbonne en quelques minutes en provoquant un tsunami et un incendie qui tuèrent un quart de sa population. Le plus effrayant dans une telle catastrophe, c’est de ne pas comprendre ce qui vous arrive, c’est de ne pas voir la mort en face et d’être pris au dépourvu. C’est très indigne et franchement peu glorieux ! L'émotion ressentie devant un tel déchainement des forces de la nature ne peut que vous submerger. Elles deviennent la source principale de notre terreur qui se mêle au sublime, mais sans le constituer. Comme la terre, la société se coupa elle aussi en deux. Comme on ne peut pas danser à deux mariages en même temps, se posa avec intensité la question de savoir s’il faut persister à adorer un Dieu autorisant aussi généreusement l’existence du mal, s’il faut donc accepter avec fatalisme, l’insécurité d’être en vie, ou si au contraire, il faut intervenir sur la nature pour nous en protéger ?

Pour mourir dignement, il faut avoir vécu dignement… " Dieu et la fatalité n’existent pas et on est bien placés pour le savoir !" auraient pu faire graver sur leur tombe les soixante ou soixante-dix milles victimes. À propos de cette tragédie au retentissement considérable, Jean-Jacques Rousseau nous expliqua que le mal n’est pas dans la nature mais dans la spéculation foncière irresponsable et Voltaire, querelleur, lui répondit que ce ne sont pas les humains qui ont fait trembler la terre. Rousseau rétorqua que c’est bien nous qui avions construit les maisons de telle façon qu’elles ont été balayées d’un revers de manche et que nous sommes donc bien responsables en bonne part de cette tragédie même si nous n’en sommes pas la cause.

Déjà à cette époque se posait donc la question de la responsabilité de l’homme dans le fait que son rapport au monde est trop souvent un rapport d’hostilité. De nos jours, Rousseau serait écologiste, il tenterait de sauver la planète qui n’aurait pas besoin de lui s’il n’y avait personne.  S’il lui arrivait de prendre de la hauteur, il avait tendance à se retrouver vite hors sol. Avait-il réellement les pieds sur cette terre tremblante ? Quand on connait nos travers qu’il critiquait tant, n’est-il pas utopique de vouloir créer une société plus juste qui nous protégerait intégralement de tout danger ? Évitons les sarcasmes : de petits rêves ont initié de grandes civilisations… mais malgré les progrès de la médecine, malgré toutes nos précautions et nos principes, malgré toutes nos lois liberticides, il parait de plus en plus évident qu’on n’est jamais absolument en sécurité et cela convient parfaitement à bien trop de monde : les industries pharmaceutiques et les marchands d’armes se frottent les mains au son du canon et nos dirigeants se posent en sauveurs de la patrie en danger. L’Histoire qui bégaie nous répète que l’horizon de la guerre, c’est la paix, que lors de toute bataille, il y a un vainqueur et un vaincu mais que la leçon à en tirer, c’est que la paix ne dure jamais bien longtemps.  La seule paix qui vaille sur terre est "la paix des cimetières" où l’on repose, estiment les profiteurs tout comme Leibnitz.

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